Cherchons à savoir, Madame,
(Nul sujet n'est plus séduisant)
Comment les peintres de la femme
Jugent les modes d'à présent.
Seuls ils savent en quoi consiste
La pure beauté du grand art
Et Bertin, l'illustre modiste,
Eût pâli devant Fragonard,
Faites-nous donc vos confidences,
Messieurs les peintres … voulez-vous ?
Sur les modernes élégances
Nous brûlons de savoir vos goûts.
Pour émerveiller le High Life
En notre siècle de teuf-teuf,
Comment faut-il qu'elle s'attife ?
Avec de l'ancien ou du neuf ?
Revenant aux lestes coutumes
Des modèles de Debucourt,
Doit-elle arborer leurs costumes,
Maillot collant et jupon court ?
Est-ce à l'immense jupe-cloche
Dont s'affublaient la Païva,
Lola Montès et Rigolboche
Que votre préférence va ?
Ou bien, délaissant dans leur boîte
Ces défroques de l'ancien temps,
Aimez-vous mieux la robe étroite
En honneur depuis deux printemps,
Ou certains pantalons de zouaves
Que plus d'un excentrique met,
Pastichant les modes suaves
Du paradis de Mahomet ?
Comme on dit la bonne aventure
D'après lignes de la main,
Décrivez-nous donc en peinture
La Parisienne de demain.
Et pour peupler notre volière
D'autant de jolis oiseaux bleus,
Veuillez chacun mettre en lumière
La mode qui vous plaît le mieux
source :
Enquête sur la mode féminine : High-Life Taylor, Paris, 1910, illustrations par Bernard Boutet de Monvel, Louis Rémy Sabattier et Maurice Leloir, en ligne sur Gallica