"Un fin visage casqué de cheveux noirs et lisses qu'illuminent deux grands yeux extraordinairement rieurs, un sourire étincelant sur une petite lèvre railleuse, du chic, une ligne d'une élégance exceptionnelle, tout cela dégageant un charme indéfinissable et prenant, telle est Louise Brooks, qui n'a qu'à apparaître pour crééer de la bonne humeur, de la joie ou de l'émotion."(1)
C'est "une star considérée comme l'une des plus grandes beautés de toutes les temps". (4)
Avec sa coiffure unique, elle crée une mode qui sera imitée par les femmes du monde entier.
Son style incarne la beauté, la féminité et la passion. Libre et indépendante, elle refusait d'être considérée comme un objet.
"Louise Brooks, plus que toute autre, est l'objet d'un véritable culte de la part des surréalistes.
Elle redéfinit les critères qui régissent l'éternel féminin sur les écrans du cinéma populaire de la fin des année 1920, en incarnant à l'écran une nouvelle configuration du féminin en vogue, celui de la garçonne.
A la suite de son film "Prix de beauté" (1930), elle lance la mode "à la Louise Brooks" qui s'affiche sur les devantures des coiffeurs parisiens.
La garçonne, en exhibant certaines caractéristiques vestimentaires et capillaires couramment associées au masculin, bouleverse certains repères traditionnels et transgresse le tabou de la différence sexuelle.
Louise Brooks, figure de proue de la femme androgyne, du travesti et parfois même de l'homosexualité, se cristallise dans l'imaginaire surréaliste et devient ainsi une des héroïnes les plus importantes du culte cinématographique surréaliste.
Louise Brooks, celle qui a été immédiament reconnue pour ses talents en Europe, celle qui s'est inscrite en pionnière de l'émancipation de la femme moderne des années 20 sur les écrans, doit ses années de succès aux surréalistes et au public du cinéma commercial français et européen."'(2)
"Les femmes opéraient une métamorphose dans la période de l'entre-deux-guerres. Georg Wilhem Pabst a fait de l'image de Louise Brooks une forme cinématographique inoubliable. "Loulou" est souvent considéré comme un hymne à la sexualité libre, un cri de révolte contre toutes les oppressions, une échappée triomphante."(3)
Dans ses mémoires, "Loulou à Hollywood", Louise nous raconte comment, lors de ses premières années à New York en 1923 et 1924, elle a laborieusement façonné son style si particulier et si unique.
Je lui laisse maintenant la parole.
"Pour devenir une femme idéale, en 1922, il me fallait perdre mon accent du Kansas, singer les manières mondaines, apprendre à m'habiller avec goût. Je ne pouvais pas corriger mon accent dans une école chic, ni apprendre comment me tenir auprès de cavaliers gênés par mon infériorité sociale, ni me permettre les couturiers de la Cinquième Avenue. Aussi me suis-je éduquée auprès d'inconnus experts en la matière".(5)
"Mon instructeur d'anglais fut un jeune et distant garçon de comptoir du drugstore de Broadway dont j'aimais les glaces aux fruits. Après un mois de crèmes glacées, ce garçon avait sarclé mon vocabulaire de toute trace de mon terrible accent du Kansas.
"J'appris en observant les serveurs comment il fallait manger ce qui figurait au menu. Il y eut ainsi la soirée comment-ôter-les-arêtes-d'une-truite-de-rivière, la soirée comment-déguster-les-escargots, la soirée comment-effeuiller-les-artichauts, etc., jusqu'au bas du menu".
A New-York, son amie Barbara Davies l'emmena chez Saveli, "un grand coiffeur qui s'occupa en personne de moi. Il ramena ma frange juste au-dessus des sourcils, et les côtés, en accroche-coeur autour des pommettes, me coupant les cheveux à la garçonne sur la nuque".
"Barbara m'introduisit alors dans un groupe de financiers de Wall Street qui m'offrirent des toilettes. Les sommes extravagantes qu'ils donnaient aux jeunes filles pour leurs toilettes constituaient l'agrément de rivaliser entre eux pour celle qui remporterait le titre de la Mieux Habillée."
En 1924, "les acquisitions que j'effectuais toute seule se révélaient catastrophiques. Une vendeuse persuasive me faisait acheter n'importe quoi".
"Les problèmes de toilette me préoccupaient. Je ne pouvais faire confiance aux vendeuses ordinaires, d'autre part ce qui convenait aux longilignes soeurs Benett (des amies de Louise) était ridicule sur mon corps de danseuse plutôt ramassé.
"Un soir, au théâtre, je vis dans le programme une photo de Marylin Miller, la vedette de Ziegfield, vêtue d'une étourdissante robe de chez Milgrim, un magasin de luxe alors situé dans Broadway à la 74eme rue. Je m'y rendis le matin suivant et remis cinq cent dollars en espèces à Miss Rita, une vendeuse originaire du Bronx qui n'avait jamais reçu un pareil aveu d'ignorance en matière de vêtements.
"Elle étudia avec attention mon visage, ma silhouette et mes mouvements tandis que je regardais défiler les mannequins. Ensuite elle choisit pour moi une robe recouverte de perles blanches tubulaires et un manteau du soir en lamé argent avec col en renard blanc. Miss Rita choisit des satins et des crêpes de Chine aux tons pastels pour mes toilettes d'après-midi.
"Mes ensembles sévères étaient coupés par Gus qui enfonçait des épingles dans ma chair quand je ne ne restais pas immobile à l'essayage.
"Finalement, mon New York adoré paracheva une Louise Brooks ne représentant ni le Kansas, ni Broadway, ni Hollywood, ni Park Avenue, mais uniquement elle-même."(5)
A cette époque, Louise Brooks qui avait alors dix-huit-ans, se décrivait ainsi : "Mon insolence blasée n'était qu'un masque, et un maquillage décadent, blanc et noir à la Aubrey Beardsley, camouflait des taches de rousseur du Kansas." Et "l'audacieux décolleté de ma robe pailletée de nacre n'avait en fait pour but que de cacher mon puéril manque d'assurance."(5)
Sources :
(1) Raymond Villette, dans "Les Dimanches de la femme", décembre 1929
(2) Le cinéma des surréalistes, par Henri Béhar, 2004, Ed. L'Age d'homme
(3) Don Quichotte au XXe siècle, par Danielle Perrot, Presses Univ Blaise Pascal, 2003
(4) William Shawn, auteur de l'introduction à "Loulou à Hollywood"
(5) Louise Brooks dans "Loulou à Hollywood"