Tailleur en velours de creed porté avec une toque en breitschwanz de Rose Descat et manchon assorti de Revillon (photographie Horst).
J'ai choisi aujourd'hui pour vous des extraits un article de Vogue du mois de novembre 1935 présentant par une série d'illustrations toutes les grandes tendances de la mode de l'époque.
L'auteur commence par quelques réflexions sur la mode et l'application qu'en font les femmes qui la portent, faisant un parallèle amusant avec les sciences.
« Il y a la science pure et la science appliquée. Il y a de même la mode pure et la mode appliquée. La mode pure est une agréable abstraction proposée par les couturiers au jour des premières présentations. Les chroniqueuses de mode s'efforcent aussitôt d'en construire l'équation et de la réduire en théorème pour l'avenir.
« La mode appliquée, c'est votre choix, Madame. Vous laissez la science pure – c'est-à-dire la mode – au silence des chercheurs dans les laboratoires – c'est-à-dire les ateliers. Ce qui vous intéresse, c'est ce qui vous va, c'est ce qui vous exprimera, vous, au mieux, dans telle occasion donnée. Sitôt la rentrée, vous venez faire votre choix chez votre ou vos couturiers favoris. Votre commande, c'est une collaboration, parce que la sélection de votre goût élimine, discrimine, néglige ou porte aux nues, telle ou telle des créations offertes. Le créateur proposait, vous disposez.
« La mode portée, la mode vivante se dessine alors. Certaines tentatives tombent, des étrangetés s'adoucissent, d'autres au contraires sont adoptées, surprennent, puis deviennent, sous le parrainage du prestige et du goût, l'élément même de la mode. Il n'y a donc pas qu'un tri, il y a entente, il y a encouragement à poursuivre une direction parfois seulement ébauchée. »
« On prouve le mouvement en marchant et la mode en la portant. Quand vous la portez, un goût inné vous fait choisir le juste accessoire, l'exacte couleur des gants et le chapeau qui fait une toilette. »
Demi-chapeau Rebours. D'une ligne très élégante, cette toque en velours noir est en forme de visière surmontée d'un drapé en hauteur. Gilet en velours, plat devant et bordé de chaque côté d'un volant très fourni. Bracelet en or de Boucheron (photographie Horst).
ENSEMBLES DE SPORT : "variés, gais et confortables"
« Pour les costumes de sport, chaque femme choisit sa tenue en combinant le confort pratique et la fantaisie. »
A gauche : Tailleur Mainbocher à jaquette droite, cintrée, sans ceinture et bien boutonnée, quadrillée dans un ton bourgogne foncé, la jupe étant unie. A droite : Assemblées en coloris raffinés, une jupe marron, une collerette verte aigue-marine, et une écharpe rose.
A gauche : Manteau de Lelong mordoré, coupé largement, manches raglan. Une ceinture de daim marque la taille. Au milieu : Du gros pied-de-poule jaune et marron compose ce costume Lanvin. La cape avec capuchon est parfaite pour l'activité matinale. A droite : Tailleur Worth. La jupe-culotte pour les sports actifs.
Ensemble de sport en jersey gauffré marron. Jaquette trois-quart.
LE MATIN A PARIS
A gauche : Deux-pièces de Rochas en lainage noir, fermé de petites clés blanches. Sur les côtés un dessin de soutache blanche trace la silhouette d'une ferrure de serrure ancienne. A droite : Manteau Maggy Rouff de drap noir garni de brandebourgs également en astrakan.
A gauche : Costume noir de Lelong garni de brandebourgs d'astrakan dessinant des barres horizontales. Au milieu : Modèle de Piguet, plus habillé, se compose d'une jaquette droite, cloquée de satin noir, vague dans le dos, sur une robe de lainage. C'est le contraste entre le tissu lisse et le tissu cloqué, entre mat et brillant qui fait le raffinement de cet ensemble aux lignes simples. A droite : Tailleur noir de Lanvin à la jaquette de forme un peu sac. Fourrure au col haut, aux poches et aux pattes d'épaule qui donnent une allure très nette.
Un autre modèle de Lanvin, plus doux. Le devant et les poches sont bordés d'astrakan noir dans une ligne sinueuse.
LES ELEGANCES DE L'APRES-MIDI
« Elles seront très habillées l'après-midi, nos élégantes, mais elles le seront avec une grande diversité. Telle préfère par-dessus tout la sobriété des lignes et des matières, laissant au contraste des tissus le soin de la défendre de la monotonie. Par contre, telle ose d'être élégante avec certain fracas de somptuosité. »
A gauche : Ensemble de Molyneux. La cape de lainage noir est doublée de satin gaufré noir. Un oiseau noir s'est posé sur son chapeau avec les ailes encore ouvertes. A droite : Cape de Lelong en astrakan. Elle est entièrement faite de bandes d'astrakan séparées par des biais de satin noir, ce qui lui donne une grande souplesse en même temps qu'un dessin discret.
A gauche : Ensemble de Schiaparelli composé d'une robe d'ottoman noir, complétée d'une plaquette de taffetas lamé rayé bleu-vert-rouge-or, à manches exubérantes. Sur le chapeau deux paradis enflammés la prolongent bien haut. A droite : Manteau de Schiaparelli que du renard argenté alourdit sur l'écharpe, sur la crinière de son casque à la romaine et même sur les gants. .
A gauche : Ensemble de Molyneux en velours marron doré, manteau vague et court, manchon et chapeau de martre, gros chrysanthème de taffetas au décolleté. Au milieu : Manteau noir de Paquin sur lequel des renards argentés sont posés de façon nouvelle, projetant en avant à hauteur des genoux. A droite : Tailleur « Ritz » de Rochas, élégant et jeune. Il est en drap beige et noir et orné de renards argentés admirablement placés aux épaules. Quand on ouvre la jaquette, on aperçoit la blouse-chemisier en georgette beige plissée.
LES PETITS ET GRANDS SOIRS
« Les robes qui se portent entre la nuit et le jour, ces robes pour le cinéma et les cocktails sont longues, jusqu'aux pieds et comportent des manches. »
A gauche : Robe de Mainbocher, en velours de laine aubergine-grisâtre, complétée d'une cape ornée de singe teint. Au milieu :Robe smoking en drap blanc de Paquin. Comporte une petite jaquette à basque. Gros nœud de velours noir. A droite : Robe noire de Schiaparelli qui laisse voir d'étroits pantalons bleus.
« Petits soirs et dîners permettent à l'originalité de s'exprimer, l'heure ni la tenue n'étant cérémonieuses. »
A gauche : Une robe de Piguet, toute noire, un pan drapé par devant retenu à la taille dans une ceinture de lamé d'or. A droite : Robe smoking. Le modèle « Lys rouge » de Paquin. La jaquette est décorée de quatre boutons, la robe longue est en lamé de couleur et les revers passent sur la jaquette.
« D'autres robes de dîner hésitent entre le froncé et le drapé ou plutôt obtiennent des effets de drapé par des fronces joliment disposées. »
A gauche : Robe de Patou en velours noir, au décolleté carré. Au milieu : Modèle de Patou très étroit jusqu'au genou, puis qui va s'épanouissant dans le bas comme dans le haut : de grands pétales du tissu couvrent les épaules. A droite : Modèle de Lanvin souple et vague, bleu, avec de longues manches et un effet de capuchon rouge-bourgogne. Ceinture drapée laissant échapper un pan par devant.
BELLES LIGNES, BEAUX TISSUS
« Le manteau du soir est d'une grande importance et chaque fois fort caractéristique des tendances de la mode. Pour protéger la robe fragilement drapée, pour la dérober au froid et aux regards, ils doit l'envelopper parfaitement.
« Cette allure défensive est partout fort frappante : des manteaux sont taillés dans du drap d'officier, matière d'une solidité incomparable ; des capes tombent, en tissu ou en fourrure sans aucun ornement qui accrocherait l'oeil ou couperait la ligne. »
«Cet hiver, le plus souvent, il tombe aux pieds, qu'il soit cape ou manteau vrai. Mais le manteau plus court a aussi son utilité, surtout pour couvrir une robe de petit soir. »
A gauche : Manteau de Schiaparelli exécuté en velours bleu avec des manches bouffantes. Au milieu : Cape de Molyneux d'une simplicité monacale quant aux lignes, et dont le tissu, de velours brun-rouge doublé de lamé d'or en est somptueux. A droite : Manteau de Schiaparelli en drap militaire rouge.
« Quand on choisit une grande robe, la ligne du décolleté est un des points les plus importants, pour mettre en valeur avec une emphase dramatique la beauté du visage. Voici trois robes, et surtout trois décolletés :
A gauche : Modèle de Worth. Décolleté pointe en avant ; la nudité des épaules est accentuée par contraste par des sortes de demi-manches sur le bras. Au milieu : Robe Maggy Rouff à la ligne botticellienne, en lamé pastel découvrant largement les épaules. A droite : Robe de Jodelle en épais satin marron dont le dos paraît entièrement nu quand on enlève l'écharpe de même tissu qui se pose sur les épaules. Un rattrapé de tissu forme un très joli drapé au bas de la jupe dans le dos.
A gauche : Robe de Molyneux (une des plus typiques de son style). En velours bleu elle suit une ligne étroite et presque collante grâce à des fronces sur le côté. Dans les cheveux une aigrette jaillit d'une coque de ruban de velours bleu. A droite : Robe de Piguet, qui s'inspire de la ligne grecque dans un sentiment moderne. Un étonnant pan part du bout de la jupe et revient se draper sur le corsage, comme si la robe deux fois trop longue se repliait sur elle-même ; ce modèle est en satin rose pâle.
A gauche : Robe de Maggy Rouff, faite de deux pans de velours qui se croisent, dans des tons qui rappellent ceux des vitraux. A droite : Robe de Heim à manches longues, alourdie d'un pan doublé d'un ton de bleu plus clair que le reste. Ce pan, retenu à la taille, se prête à des transformations à vue. Il peut devenir écharpe ou étole et venir couvrir les épaules, ou tomber d'une ligne simple sur la jupe.
A gauche : Robe de Mainbocher en taffetas noir cloqué, qui dessine un pouf froncé dans le dos avant de s'achever en traîne. A droite : Robe grise de Schiaparelli qu'une tombante et souple écharpe jaune vient envelopper. Les manches longues sont d'allure un peu moyenâgeuse et la résille dorée accentue le caractère médiéval.
Robe de Jodelle en velours noir à grandes manches serrées au poignet. Le décolleté est adouci par un drapé de faille verte rayée.
CHAPEAUX
« Les nouveaux chapeaux ! Ils ont beau paraître extraordinaires à des yeux déshabitués de Paris, ils ont été reçus, les plus fous, les plus extravagants, par des cris d'admiration. Ils haussent la tête, comme il convient à son importance, de plumets ou de nœuds, ou laissent la chevelure, tout à coup libre derrière, défier le ciel."
Bonnet Maria Guy aigu en surah blanc qui montre très haut, serré par un nœud de velours rubis foncé.
Bonnet Maria Guy de caracul noir dégageant le front, la voilette tombe droit devant sur le visage.
Pour accompagner ce chapeau Talbot minuscule de feutre, les cheveux sont enserrés d'une fine résille, également de feutre noir, et le visage est caché sous une voilette faite des mêmes légers fils.
Talbot. Béret Renaissance, à la visière très large, projetant sur l'oeil.
Rose Descat. Effet de visière carrée.
Chapeau à bord Rose Descat, relevé d'un côté. Tout le tour est martelé et gaufré comme par les empreintes digitales d'un potier sur l'argile.
Petit bonnet Rose Descat de breitschwanz noir bordé d'antilope, qu'une voilette un peu raide agrémente de deux coques (photographie Pottier).
Source : Vogue Paris, novembre 1935 via Gallica