Aux alentours de 1775, la coiffure féminine est très élégante et reste encore assez simple, agrémentée de multiples boucles en tire-bouchons s'étageant sur les côtés.
On peut en voir deux exemples ci-dessous, dans le portrait de Marie-Antoinette et le buste de madame du Barry. Quand les cheveux sont relevés, ils dégagent la nuque et s'élèvent haut sur le front : c'est ce qu'on appelle la coiffure à physionomie élevée. Si les cheveux tombent sur les épaules, il s'agit des dragonnes.
On trouvait aussi la coiffure à la hérisson, où les cheveux sont relevés, crêpés et frisés à la pointe.
Puis vint la mode des coiffures compliquées, monumentales et excentriques, avec les poufs et les panaches.
"La femme française s'était livrée en ces années à une folie de coiffure sans exemple, et si générale qu'une déclaration, donnée le 18 août 1777, agrégeait six cents coiffeurs de femmes à la communauté des maîtres barbiers-perruquiers.
"La tête des élégantes était une mappemonde, une prairie, un combat naval. Elles allaient d'imaginations en imaginations et d'extravagances en extravagances, du porc-épic au berceau d'amour, du pouf à la puce au casque anglais, du chien couchant à la Circassienne, des baigneuses à la frivolité au bonnet à la candeur, de la queue en flambeau d'amour à la corne d'abondance. Et que de créations de couleurs pour les énormes choux de rubans, jusqu'à la nuance de soupirs étouffés et de plaintes amères !
"La Reine se jette dans cette mode. Aussitôt les caricatures et les diatribes de passer par-dessus toutes les têtes, et de frapper sur la jolie coiffure aux mèches relevées et tortillées en queue de paon, dans laquelle elle s'est montrée aux Parisiens. La satire, qui permet tant de ridicules à la mode, est impitoyable pour le quesaco que la Reine montre aux courses de chevaux, pour les bonnets allégoriques que lui fait Beaulard, pour la coiffure de son lever, courant Paris sous le nom de Lever de la Reine."(1)
Les poufs désignaient des gazes et faux cheveux inserrés dans la chevelure, ornés ensuite de divers accessoires selon le goût de chacune. Ainsi, le Pouf à la Belle Poule, du nom d'une frégate, ou le pouf au sentiment, exposant bibelots, oiseaux, fleurs, poupées ou légumes.
Son coiffeur personnel fut d'abord Lanseneur, puis ce sera Léonard Autié, dont les coiffures déclenchaient l'admiration.
Les coiffures à la mode sont alors toujours plus hautes, plus complexes et plus monumentales. Elles sont garnies de fleurs, de fruits ou de légumes, et de plumes, telles de véritables oeuvres d'art. Quand la reine perdit ses cheveux, Léonard lança la mode de "la coiffure à l'enfant", aux cheveux courts et bouclés.
"Il survint chez Marie-Antoinette une alopécie dont les chroniqueurs n'ont pas manqué de faire mention : "Depuis la couche de la Reine, écrit Bachaumont en juin 1780, les cheveux de Sa Majesté tombent et l'art est continuellement occupé à réparer les vides qui se forment sur sa tête auguste. Cette princesse, lasse de contrarier la nature, semble vouloir s'y abandonner entièrement. Elle n'a plus qu'un chignon plat, terminé par une boucle en boudin, à peu près comme les perruques d'abbé, et déjà différentes femmes de la cour, empressées de se conformer aux goûts de leur souveraine, ont sacrifié leur superbe chevelure. On appelle cette coiffure "à l'enfant"."(2)
Dans ses mémoires, la baronne d'Oberkich évoque sa propre coiffure en 1782 :
"J'essayai pour la première fois une chose fort à la mode, mais assez gênante : de petites bouteilles plates et courbées dans la forme de la tête, contenant un peu d'eau, pour y tremper la queue des fleurs naturelles et les entretenir fraîches dans la coiffure. Cela ne réussissait pas toujours, mais lorsqu'on en venait à bout, c'était charmant. Le printemps sur la tête, au milieu de la neige poudrée, produisait un effet sans pareil (...). Madame la comtesse du Nord avait sur la tête un petit oiseau de pierreries qu'on ne pouvait pas regarder tant il était brillant. Il se balançait par un ressort, en battant des ailes, au-dessus d'une rose, au moindre de ses mouvements. La reine le trouva si joli qu'elle en voulut un pareil."(3)
Le comte de Vaublanc décrit lui aussi la mode vers 1780 :
"Au-dessus du front s'élevaient des cheveux bien crêpés, bien roides, bien graissés et bien poudrés. Cette coiffure était à angles droits, saillants et rentrants, et avait un air menaçant, comme une fortification. Pour accompagner ces bastions on mettait des deux côtés, et sur le cou de grosses boucles bien roides, bien graissées et bien poudrées, bien tenues par des broches de fer, et qui avaient le charme de salir sans cesse le cou.
"Au-dessus des fortifications dont j'ai parlé on plaçait un coussin de taffetas noir, rempli de crin. Ce coussin, qui perdait promptement sa propreté primitive, était attaché à la fortification par de longues épingles de fer qui devaient attacher le nombre immense des ornements qui relevaient toute cette coiffure, des rubans, des fleurs, des nattes en cheveux, des boudins en cheveux. Les cheveux de derrière, bien graissés aussi, et encore plus poudrés que le reste, étaient relevés, tantôt en plusieurs nattes ou tresses, tantôt en un chignon volumineux qui faisait peur à tous les meubles et à tous les habits qui s'en approchaient. Comme tous ces cheveux du derrière de la tête avaient une irrégularité choquante dans la partie d'en haut, on fourrait, dans l'espace qui se trouvait entre le coussin et les cheveux, de grandes cocardes de crêpe ou de taffetas, pour cacher ce vilain commencement de nattes, de tresses et de chignon volumineux.
"La poupée ainsi coiffée avait du rouge sur les joues et quelques mouches. Le bon ton voulait que le rouge fût très épais, qu'il touchât les paupières inférieures des yeux. Cela, disait-on, donnait du feu aux yeux. On tenait tant à ce rouge que toutes les femmes avaient dans leur poche une boîte plus ou moins riche, dans laquelle étaient les mouches, le rouge, le pinceau, et surtout le miroir. Plusieurs dames renouvelaient, sans façon, à leur aise, leurs belles joues rouges partout où elles se trouvaient.
"J'oubliais de dire qu'une mode impérieuse força bientôt toutes les femmes à substituer une poudre rousse à la poudre blanche ; elle produisait une saleté abominable sur le front, le cou et les épaules. Tout cet échafaudage était surmonté d'une touffe de plumes blanches plus ou moins élevées.
"La mode vint alors des voitures anglaises ; l'impérial intérieur était très bas, en sorte que les dames d'une taille élevée étaient forcées de se mettre à genoux dans la voiture pour ne point briser leurs plumes. J'ai vu une dame qui non seulement était à genoux dans la voiture, mais encore pasait la tête par la portière. Quand une femme ainsi panachée dansait dans un bal, elle était contrainte à une attention continuelle de se baisser lorsqu'elle passait sous les lustres, ce qui lui donnait la plus mauvaise grâce qu'on puisse imaginer." (4)
Voici la page d'un site très intéressant qui décrit de manière détaillée les différentes coiffures des femmes sous Louis XVI : coiffures historiques
Les coiffures étaient également poudrées, afin de parfumer et donner une teinte aux cheveux, après les avoir crêpés et graissés, et de maintenir la coiffe.
Ces poudres étaient constituées d'amidon, de farine ou de craie, puis colorées (blonde avec de l'ocre de Rome, rouge avec de l'orcanette ou de la poussière de bois de chêne vermoulu, ou de manière plus répandue, grise avec de la braise de bois blanc écrasée, aux nuances argentées). Elles étaient alors parfumées, le plus souvent au jasmin, la rose, la jacinthe, la jonquille ou la fleur d'oranger.
Quelques recettes :
Huile parfumée aux fleurs pour les cheveux :
"L'huile d'Olive, celles d'Amandes douces et de Noisette sont les seules dont on se sert pour perfumer les cheveux aux fleurs. Pilez des Amandes à l'eau chaude, lorsqu'elles seront sèches, réduisez-les en poudre, passez-les par un gros sas, et faites un lit de poudre d'Amandes et un lit de fleurs dans une caisse ; après avoir continué de cette manière pour vous servir de ce que vous en voulez parfumer, et après avoir laissé les fleurs du matin au soir, vous passereez vos mêmes fleurs, alors vous les renouvellerez, en remettrez de fraîches et répéterez cette même opération pendant huit jours. Quand vos Amandes auront bien pris l'odeur de la fleur que vous aurez choisie, vous les mettrez dans des toiles neuves, et ferez des paquets pliés deux à deux, plis contre plis et exactement pressés, pour tirer l'huile qui sera parfumée de l'odeur de la fleur.
Moyen de faire croître et revenir les cheveux :
"Prenez racines de vigne vierge, racines de chanvre et trognons de choux tendres, de chacun deux poignées ; faites-les sécher, puis brûler ; ensuite faites une lessive avec les cendres : avant de se laver la tête de cette lessive, il faut la frotter avec du miel, et continuer l'un et l'autre trois jours de suite."
Pour empêcher les cheveux de tomber :
"Mettez en poudre de la graine de persil, poudrez-vous en la tête pendant trois soirs différents, vous recommencerez chaque année, et vos cheveux ne tomberont jamais."(5)
Sources :
(1) "Histoire de Marie-Antoinette", d'Edmond et Jules Goncourt, 1858
(2) "Moeurs intimes du passé", d'Augustin Cabanès, 1933
(3) "Mémoires de la baronne d'Oberkirch", d'Henriette Louise von Waldner Oberkirch (baronne d') et Léonce Montbrisson (comte de), 1869
(4)Mémoires de M. le comte de Vaublanc", de Vincent Marie Viennot de Vaublanc et François Barrière, 1857
(5) "Toilette de Flore, à l'usage des Dames", de Pierre Joseph Buc'hoz, 1771
(Dans cet ouvrage, Buc'hoz, médecin botaniste, donne de nombreuses recettes de beauté de l'époque. Marie-Antoinette le rencontra dans son jardin de Trianon, où il dessinait des plantes)