La célébration de la Journée de la femme suscite de nombreuses polémiques. Certains se demandent si elle est justifiée et si elle a encore son utilité, d'autres pensent qu'elle est ridicule et n'a pas de sens.
C'est pourtant une journée riche de sens et présente une haute valeur symbolique. En cette journée du 8 mars qui se termine, je vous propose quelques lectures, matières à réfléchir sur le sujet.
Penchons nous tout d'abord sur l'histoire de cette célébration aujourd'hui centenaire.
L'idée a germé en 1910 et la Journée internationale de la femme a été célébrée pour la première fois en 1911.
Les nombreuses manifestations de femmes en Europe et aux Etats-Unis sont à l'origine de cette journée, dans le but de revendiquer l'égalité des droits entre les hommes et les femmes, de meilleures conditions de travail et le droit de vote.
La Journée Internationale de la femme est officialisée par les Nations Unies en 1975, invitant tous les pays à célébrer une journée pour les droits de la femme. (1)
En France, c'est en 1982 que le gouvernement socialiste instaure le caractère officiel de cette journée.
Depuis, l'ONU a permis de faire de cette journée "une occasion de faire le point sur les luttes et les réalisations passées, et surtout de préparer l'avenir et les opportunités qui attendent les futures générations de femmes".
Déjà en 1945, la Charte des Nations Unies était "le premier instrument international à proclamer l'égalité des droits des sexes en tant que droit fondamental de la personne humaine".(2)
Ainsi, le 8 mars, "les femmes de tous les continents, souvent divisées par les frontières nationales et par des différences ethniques, culturelles, économiques et politiques, se réunissent pour célébrer leur journée". (3)
Et si en France les mentalités et les conditions de la femme dans la société ont largement évolué, même s'il persiste encore beaucoup d'inégalités dans de nombreux domaines, la situation est très différente dans nombre de pays du monde.
C'est pourquoi cette journée internationale reste essentielle.
Rappelons quelques dates marquantes (4):
1849, aux Etats-Unis : Elizabeth Blackwell est la première femme médecin de la Médecine moderne.
1875, en France : Madeleine Brès est la première femme médecin.
1844, en France : Clémence Royer est la première femme ayant obtenu le droit d'enseigner à la Sorbonne.
1900, en France : Jeanne Chauvin est la première femme à obtenir le droit d'exercer la profession d'avocate.
1903, en France : Marie Curie est la première femme à obtenir le Prix Nobel (Physique).
1909, en France : Les femmes acquièrent le droit de porter un pantalon, ce n'est plus un délit, excepté pour monter à cheval ou sur une bicyclette.
1909 : Lily Laskine, harpiste, est la première femme instrumentaliste à l'Opéra de Paris. En réaction à cette nomination, les hommes menacent de faire grève.
1920 : Aux Etats-Unis, le droit de vote est accordé aux femmes par le président Wilson, après le combat courageux mené par Alice Paul et Lucy Barnes, les "Iron Jawels Angels".
1925, en France : Les députés votent le droit de vote aux femmes, qui sera repoussé par les sénateurs.
1944, en France : Les femmes obtiennent le droit de vote.
1945 : L'ONU proclame par sa Charte l'égalité des droits des hommes et des femmes.
1972, en France : Loi sur l'égalité des salaires entre les hommes et les femmes.
1972, aux Etats-Unis : Droit à l'avortement.
1983, en France : Loi sur l'égalité professionnelle.
1984 : Loi sur l'égalité des époux pour l'éducation des enfants et la gestion des biens.
2000, en France : Loi portant sur l'égalité de l'accès aux mandats électoraux (parité des listes électorales).
Les femmes dans l'histoire :
Tandis que les sociétés préhistoriques étaient matriarcales, l'homme s'impose dès l'Antiquité. Déjà, la femme "ne possède aucun droit civique. Pour le législateur grec ou romain, sa faiblesse d'esprit légitime ses incapacités juridiques".
Dans la société occidentale chrétienne, "la femme est simultanément la cause du péché originel (la faute commise par Eve) et celle du salut de l'humanité (la maternité de la Vierge Marie)".(5)
Au IIIeme siècle, Tertullien écrit dans "La toilette des femmes" :
"Tu enfantes dans les douleurs et les angoisses, femme ; tu subis l'attirance de ton mari et il est ton maître. Et tu ignores qu'Eve c'est toi ? Elle vit encore en ce monde, la sentence de Dieu contre ton sexe. Vis donc, il le faut, en accusée. C'est toi la part du Diable. C'est toi qui as brisé le sceau de l'Arbre ; c'est toi qui, la première, a déserté la loi divine."
La femme à l'époque médiévale est exclue du monde politique, comme l'illustre la loi salique écartant la femme de la succession au trône.(5)
Au XVIeme siècle, le juriste Jean Bodin écrit dans ses "Six Livres de la République" :
Les femmes "doivent être tenues à l'écart de toute magistrature, poste de commandement, tribunal, assemblées publiques et conseils, de sorte qu'elles puissent accorder toute leur attention à leurs tâches féminines et domestiques."
Voici maintenant Jean-Jacques Rousseau au XVIIIeme siècle, dans l'"Emile ou De l'éducation" :
"Plaire aux hommes, leur être utiles, se faire aimer ou honorer d'eux, les élever jeunes, les soigner grands, les conseiller, les consoler, leur rendre la vie agréable et douce, voilà les devoirs des femmes dans tous les temps, et ce qu'on apprendre dès l'enfance."
L'article 213 du Code Civil français, en 1804, proclame que "le mari doit protection à sa femme, la femme obéissance à son mari."
A partir du XIXeme siècle, avec la déchristianisation de la société, une lente évolution de la condition féminine est observée.
Grâce à la révolution industrielle, les femmes intègrent peu à peu le monde économique. Ce phénomène s'accentue pendant la première guerre mondiale." Les femmes démontrent leur capacité à remplacer les hommes : ouvrières dans les usines, conductrices d'autobus, chefs d'exploitation, mais aussi simples chefs de famille." (5)
Depuis la seconde moitié du XXeme siècle, la condition des femmes dans notre société a considérablement évolué : appareils électroménagers, participation au ménage du conjoint, temps partiel, congés maternité, contraception, droit à l'avortement (1975 en France), partage de l'autorité parentale (1975 en France).(5)
La domination masculine racontée par des hommes :
Pierre Bourdieu (6) :
"La force de l'ordre masculin se voit au fait qu'il se passe de justification : la vision androcentrique s'impose comme neutre et n'a pas besoin de s'énoncer dans des discours visant à la légitimer. L'ordre social fonctionne comme une immense machine symbolique tendant à ratifier la domination masculine sur laquelle il est fondé."
"Il n'est pas exagéré de comparer la masculinité à une noblesse (...) outre que l'homme ne peut, sans déroger, s'abaisser à certaines tâches socialement désignées comme inférieures, les mêmes tâches peuvent être nobles et difficiles quand elles sont réalisées par des hommes, ou insignifiantes et imperceptibles, faciles et futiles, quand elles sont accomplies par des femmes ; comme le rappelle la différence qui sépare le cuisinier de la cuisinière, le couturier de la couturière, il suffit que les hommes s'emparent de tâches réputées féminines et les accomplissent hors de la sphère privée pour qu'elles se trouvent, par là même, ennoblies et transfigurées."
Philippe Brenot (7) :
"La domination masculine est venue aux humains, et dans toutes les sociétés, par une révolution qui a changé l'ordre naturel pour un ordre des hommes imposé par la force".
"Plus de trente siècles de domination et de soumission, voire d'esclavage, ne peuvent, malgré les meilleures volontés du monde, s'évanouir en un instant. (...) On n'interromp pas facilement des habitudes séculaires, la transmission intergénérationnelle des rôles sociaux, des comportements et des façons d'être, ancrés dans des archétypes toujours très vivants. Il faudra certainement plusieurs générations pour gommer la force de l'habitude (...)."
"L'androcentrisme est toujours présent dans une société qui a été pensée, organisée et dirigée par les hommes depuis tant de siècles (...). Cette façon de concevoir les choses du point de vue masculin nous est tellement habituelle, surtout pour les hommes, qu'il apparaît comme une normalité, toute autre vision étant anormale.(...) Et cela durera longtemps encore, à moins que chaque homme prenne conscience de cet ordre inégalitaire dont il bénéficie depuis sa naissance."
"(...) Même si ces écarts (de salaire) tendent à se réduire au fil des années, ils restent une épine très douloureuse et infériorisante pour la plupart des femmes qui assume en général, de surcroît, une seconde activité, domestique et bénévole, à la maison !"
Dans nos sociétés occidentales, on peut dire que les femmes ont enfin la possibilité d'être maîtresse de leur vie et de leur corps. Bien sûr des progrès restent à faire dans nos pays, au niveau de la considération des femmes par les hommes quant à leur valeur et leurs compétences, et plus encore dans tous les pays où la femme est loin d'être reconnue comme une personne à part entière.
Et quand je regarde en arrière, j'ai l'impression qu'aujourd'hui, nous pouvons enfin mieux prendre conscience de notre féminité, et l'affirmer en tant que différence. Apprenons ces différences entre les femmes et les hommes, apprenons à nous connaître et à nous rencontrer, dans une nouvelle relation qui ne soit ni une "guerre des sexes", ni une relation dominant-dominé, afin de mieux vivre ensemble sur cette planète, en nous complétant.
Sources :
(1) Wikipédia : La Journée Internationale des droits de la femme
(2) Site des Nations Unies : La journée internationale de la femme - 8 mars 2011
(3) Journée mondiale : 8 mars, journée mondiale de la femme
(4) JournéeDeLaFemme.com : un site dédié aux droits des femmes
(5) La naissance du féminisme selon l'encyclopédie Encarta, à lire ici.
(6) Pierre Bourdieu : La domination masculine", 1998, Ed. Le Seuil
(7) Philippe Brenot : "Les violences ordinaires", 2008, Ed. Odile Jacob