Au Moyen Age, la beauté féminine, tantôt redoutée, tantôt désirée, représente un objet de phantasme pour les laïcs, comme pour les religieux.
Connaissance du corps féminin au Moyen Age et apparition de la cosmétique dans la littérature :
Jusqu'au haut Moyen Age en Occident, la médecine occidentale repose sur la médecine antique, et le corps féminin est mal connu.
Après le savoir et le souci d'embellissement de l'Antiquité, on voit réapparaître l'idée des soins de beauté vers la fin du XIIeme siècle, inspirée des nouvelles sources que constituent les textes arabes de Rhazès et Avicenne, traduits à Tolède. L'influence de ces auteurs va entraîner une recherche croissante de l'ornement et l'embellissement, et des chirurgiens français notamment (Henri de Mondeville, chirurgien de Philippe le Bel, et Guy de Chaubac) vont s'intéresser à la cosmétique.
On retrouve des références à la cosmétique dans la littérature médicale à cette période sous forme de recettes, essentiellement pour la peau et les cheveux, avec des formules d'onguents, mais aussi de dépilatoires, de teintures, etc.
Les premiers ouvrages sont conçus à Salerne. Ainsi le "Catholica magistri Salerni", un traité datant du milieu du XIIeme siècle, et dont le premier livre commence avec un chapitre consacré aux cheveux et les moyens de les faire pousser, de les rendre blonds ou dorés, et de les préparer à recevoir une teinture.
A la même époque est écrit, toujours à Salerne, le "De ornatu mulierum" ("L'ornement des Dames"), qui propose des recettes pour soigner les cheveux et améliorer son teint, pour prévenir les rides et guérir les dartres, blanchir les dents, s'épiler, etc.
On trouve également parmi ces oeuvres le "Régime du corps", d'Aldebrandin de Sienne.
De même, dans sa "Chirurgie", Henri de Mondeville donne des recettes de fards, de dépilatoires, d'onguents, de teintures capllaires, de pommades, de savons et de drogues, destinés à s'embellir et se rajeunir.
Cependant, même si les médecins s'intéressent au domaine des soins de beauté, ce sujet pose un problème d'importance pour l'époque. En effet, les soins de beauté et le souci d'embellissement sont condamnables d'un point de vue moral et chrétien, car ils sont signes de vanité contre l'oeuvre de Dieu.
Tandis que certains médecins dispensent des conseils aux femmes pour s'embellir et que les poètes vantent les beautés féminines, les Pères et les moines, de la fin du XIIeme jusqu'au XVeme siècle, donnent aux femmes leurs propres conseils dans une littérature didactique et pastorale.
Pour ces derniers, la femme qui se farde, change la couleur de ses cheveux, et cherche à dissimuler les marques de l'âge, ou qui se vêt somptueusement, est une créature qui, à l'instar de Lucifer, prétend améliorer, et donc conteste, l'apparence que le Créateur lui a donné, finissant par se croire capable d'influer sur les lois du temps régies par Dieu seul. Les femmes qui apparaissent dans la société avec un corps orné et fardé passent alors pour subvertir les règles sociales, amenant corruption et désordre dans la communauté. D'ailleurs, le mot fard est issu du verbe médiéval "farser", qui signifie tromper.
Celles qui écoutent les conseils de ces religieux et qui les pratiquent, apprennent peu à peu à s'éloigner des charmes du monde et des désirs du corps pour vivre recluses entre les murs d'une maison ou d'un monastère, dans le but de privilégier la précieuse intériorité de leur âme par rapport à l'extériorité de leur corps, en accord ave l'ordre voulu par Dieu.
Les canons de la beauté féminine au Moyen Age :
La beauté de la femme au Moyen Age est décrite avant tout par les poètes, non pas dans l'objectif de peindre la réalité, mais dans celui de mettre en valeur ce que la femme doit posséder pour provoquer les sentiments qu'ils veulent inspirer par leurs textes. Chez ces auteurs, les canons de la beauté féminine restent les mêmes du XIIeme au XVeme siècle.
La femme idéale aux temps féodaux est dépeinte dans la littérature sous les traits de l'Iseult de Tristan, de la reine Guenièvre, de l'Eve d'Autun, ou encore de la belle Hélène.
La beauté idéale est celle de la jeunesse, celle de la pucelle. Le corps de la jeune fille symbolise la pureté et la blancheur de l'innocence. La femme, par la suite, n'est plus aussi attirante, tandis que la vieille femme est considérée comme le symbole de la laideur.
Le visage est le siège et la demeure de la beauté. C'est lui qui est découvert, à la vue de tous, sans être caché comme le sont les autres parties du corps.
L'idéal de beauté est clair et blond, alors que les femmes vivent majoritairement en plein air et proches de la nature, et ont donc le plus souvent un teint hâlé.
"Le teint est ce qui se remarque le mieux, celui qui se présente en premier." (Jean Liébault, 1582)
"La beauté parfaite du teint dépend principalement de trois points, à savoir de la vive couleur qui doit être blanche, vermeille, semblable à la couleur de rose incarnate. Secondement, de l'étendue égale, bien vive et polie de toutes parts. Tiercement, de la pureté, netteté, ténuité et transparence du cuir de la face." (Louis Guyon, 1664)
Les cheveux aussi retiennent l'attention, longs, blonds et fauves comme de l'or, ondulés ou frisés.
La blancheur de la peau et la blondeur des cheveux ondulés s'allient à la pâleur du teint, rehaussée par le rose des joues et le vermeil des lèvres. L'éclat des yeux est comparé à celui des étoiles ou des diamants. Les dents blanches et éclatantes ressemblent à de l'ivoire. Les sourcils fins et bruns embellissent un front large et dégagé. Le corps est svelte, élancé, la taille bien prise aux hanches étroites et au ventre saillant, les seins hauts placés, les chevilles fines.